CEUX QUI ONT ÉTÉ SACRIFIES PAR LA RÉVOLUTION ALGÉRIENNE.
CEUX QUI ONT ÉTÉ SACRIFIES PAR LA RÉVOLUTION ALGÉRIENNE.
À titre d’exemple sur
la participation des habitants du village Tigounatine à la révolution
algérienne, cette anecdote qui illustre que les gamins aussi ont participé
activement à cette révolution. Un matin d’hiver, de bonne heure, les soldats
français ont mené une grande opération d’encerclement du village. Ils l’ont «
bouclé » pour que personne ne puisse plus ni rentrer ni sortir du village. Puis
ils se sont introduits dans les maisons avec des airs menaçants ; ils
cherchaient à faire peur aux occupants, à tous, hommes, femmes, enfants, et
même animaux. Ils ont tout saccagé à l’intérieur des maisons ; ils jetaient ce
qu’ils attrapaient à terre, cassant tout et mélangeant semoule, huile, eau en
une bouillie qui ne pouvait plus être mangée. Leur forfait accompli, ils ont
poussé les hommes, même les plus jeunes qui avaient pour certains moins de
quinze ans, hors des maisons ; ils les ont bousculés dans la rue pour les
conduire sur la place de la mosquée. Là, à force de cris et de brutalités, ils
ont tenté de leur faire subir un lavage de cerveau contre les moudjahidine. Ce
traitement inhumain terminé, ils ont dirigé les personnes arrêtées,
ensanglantées d’avoir été rouées de coups à tajmaâth (place du village), en
file indienne, vers la caserne de Beni Ourtilane située à seize kilomètres du
village. Le surlendemain, les femmes du village se sont réunies. Elles ont
décidé d’envoyer de la nourriture aux détenus de la caserne de Beni Ourtilane à
dos d’âne par l’intermédiaire de deux gamins d’à peine neuf ans. Neuf ans. Oui,
neuf ans ! Ainsi débuta le conte initiatique vécu par deux mômes de neuf ans.
Ce jour-là, il pleuvait à torrents et un froid glacial régnait. Les gamins
avaient l’impression que le chemin ne voulait pas finir ; les villages
s’éloignaient les uns des autres ; c’était long ! Quelle affaire hasardeuse
pour les deux qui sortaient pour la première fois seuls de leur maison et qui
s’aventuraient à traverser les forêts. Durant une bonne partie du trajet, ils
n’en finissaient pas d’entendre de drôles de bruits qui les effrayaient.
Finalement, ils se rendront compte que ce n’était que des sapins qui
sifflaient, craquaient, mais ce sera une fois qu’ils seront arrivés. Dommage !
Durant tout leur parcours, ils n’ont distingué aucun être humain à l’horizon
qui leur aurait permis de se sentir un minimum sécurisé. Tout en marchant avec
une vigilance extrême, ils imaginaient que toutes sortes d’animaux sauvages les
attendaient au tournant. Bon gré, mal gré, ils arrivèrent à destination ;
désorientés, mais tirés d’affaire. À l’intérieur de la caserne, des harkis
armés les attendaient comme s’ils avaient été prévenus. Ils ont immédiatement
procédé au déchargement des provisions. Alors les gamins sont repartis. Ils ont
pris un autre chemin pour le retour espérant que les conditions climatiques
seraient plus clémentes. Mais il a encore plus, et la brume s’est levée le
soir, froid et pénétrant. De retour chez eux, quel soulagement pour les petits
mômes d’avoir accompli leur mission ! Hélas, aucun remerciement ne leur fut
adressé. De personne. Ni pendant ni après. Avec le recul, on peut affirmer que
c’était un acte de bravoure et de courage émérite de la part des gamins, une
façon de participer à la révolution algérienne. Aujourd’hui, ils sont encore
vivants ; ils dépassent les soixante-dix ans ; ils sont retraités et
grand-père. Il s’agit de monsieur B. et de monsieur S., de Tigounatine bien
entendu.
Les deux
compagnons s’entendaient bien ; ils ont fait ensemble la première année de
primaire à l’école publique ; ils ont entrepris de concert et ont eu les mêmes
préoccupations qui concernaient leur âge.
En résumé, ils avaient
pas mal de choses en commun. Mais, comme ils étaient les aînés de leur famille,
ils ont été contraints d’assurer des tâches quotidiennes variées au profit de
leur famille. Ils devaient assumer, les pères étant absents, en immigration,
les oncles en prison... Les deux compagnons se sont séparés quelque temps après
leur aventure, pour une longue période. Ils se retrouvaient exceptionnellement
et pour de courts moments pour quelques occasions au village ou aux funérailles
de proches. Ils ont emprunté des parcours différents l’un et l’autre.
Soixante-deux ans plus tard, l’un des deux, monsieur S. a rencontré à la
mosquée de Tigounatine le fils de son compagnon. Par un hasard doublé de
politesse et peut-être de curiosité, il lui a demandé qui était son père. Son
interlocuteur a répondu en toute innocence qu’il était le fils de B. Monsieur
S. s’exclama : « Mais t’es le fils de mon ami ! Ton père était un compagnon
avec qui j’ai partagé beaucoup de peines, de souffrance et d’amertume en
faisant la guerre d’Algérie, il y a des décennies de ça. » Certainement que monsieur
S. s’est exprimé dans un sens figuré. Les deux hommes ont effectué la prière
puis, tout en marchant vers leur maison respective, monsieur S. a raconté la
mission impossible que son compagnon de l’époque et lui avaient effectuée
ensemble, à l’âge de neuf ans. Arrivé à la maison, le fils de monsieur B.
interrogea son père : « Comment ! T’as fait la révolution algérienne avec un
certain S. et tu nous l’as caché depuis le temps ! Pourquoi ? » Le père
répondit : C’est vrai ce qu’il t’a dit. En ce temps là, nous devrions être sur
les bancs d’école comme tous les enfants de notre âge au lieu de s’embrouiller
avec des ânes sous la pluie dans les forets et chemins rocailleux, à la fois
dur et heurté. Par conséquence, nous étions des sacrifiés par la guerre d’Algérie.
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Svp c qui Monsieur S et Monsieur B
RépondreSupprimerMme Benlalam.Ibtissam
Monsieur S est de votre famille. Quant à son ami, il vous le dira lui même.
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SupprimerDésolé pour le retard, comme dit l'autre, il n'est jamais trop tard pour bien faire ou bien dire. Il s’agit de Benlalam Said et AKROUR Brahim, toujours en vie.
Merci pour cette histoire
RépondreSupprimerje Vous remercie pour cette belle histoire et aussi pour votre belle redaction
RépondreSupprimerCela me fait plaisir, même si je suis un peu embarrassé par la chaleur de votre compliment.
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