LA MAISON KABYLE ET SON ENVIRONNEMENT.
LA MAISON ET SON ENVIRONNEMENT.
Autrefois, le village
Tigounatine était constitué de maisons de style kabyle, inspirées de l’architecture
romaine, avec une forte densité de population dans une région au relief
montagneux, difficile d’accès. Ces habitations étaient d’une grande simplicité,
collées les unes aux autres pour des raisons économiques et sécuritaires – à
l’image de tous les villages, de la petite et de la grande Kabylie. Ces
ensembles d’habitations étaient entourés d’une sorte d’enceinte composée de
figues de barbaries, normée « Akarmos ». Enceinte faisant office de
clôture contre d’éventuelles invasions et protégeant du feu du fait que les
figues de barbaries soient constituées de 80 % d’eau. Le village comptait
seulement une entrée par « Tighilts Labassi » et deux sorties vers
« Baroual » et « L’Kaaoumtik ». Une telle implantation permettait
donc aisément à la population de se défendre en cas d’invasion ennemie. Ces
maisons donnaient sur une cour fermée. On y entrait par une porte en bois à
deux battants abrités par une toiture à double pente en tuile romaine, posée
sur des lattis en roseau d'une superficie de trois mètres carrés environ. La
superficie des maisons à l’époque est de l’ordre de 45 m² (5 x 9 m), divisée en
trois parties : la plus vaste - les deux tiers - faisant office de salle
commune, ou de vie « Aghouns », où la famille vivait jour et nuit,
mangeait, dormait, procréait, naissait et mourrait... Dans la même habitation
pouvaient cohabiter plusieurs générations : les grands-parents, le père, la
mère et leurs enfants, sous l’autorité d'un ancien (ou Amghar), qui était à la
fois le chef incontesté de la famille et le porte-parole à l’extérieur
« Tajmaath ».
LA SOUTE « TAARICHTH »
Le tiers restant en
contrebas abritait le bétail installé sous un grenier ou «Taarichth »,
servant de réserves à provision. Parfois si la famille était trop nombreuse, on
y dormait. Cette organisation contribuait au réchauffement naturel de la maison
en hiver par les animaux et permettait au propriétaire d’être constamment avec
sa famille, mais aussi proche de ses animaux qui constituaient son principal
capital. Une ouverture était prévue entre la salle commune de vie et le
contrebas « Adaynine ». Ce passage était conçu pour mieux surveiller de
près son bétail, et notamment la nuit au cas où l’un des animaux se trouverait
en difficulté. Cette distribution de l’espace permettait aussi de nourrir les
bêtes en toute simplicité, sans se découvrir, notamment la nuit en hiver.
MEUBLE en dur ou « LAKDAR »
SILO ou « AKHOUFI »
JARRES « Achvayli »
Entre l’écurie ou « Adaynine »
et la salle commune, on trouvait à même le sol, adossée au mur, une ou
plusieurs jarres de différentes capacités. Elles étaient fabriquées en terre
cuite et servaient à emmagasiner l’huile d’olive ainsi que d’autres produits liquides
ou solides. Cette technique a été abandonnée de nos jours dans toutes les
maisons du village, et même dans la région - à quelques exceptions près.
Aujourd’hui on les utilise comme objets de décoration.
PIQUETS EN BOIS
Sur la façade intérieure de
la maison, des piquets en bois sont scellés au mur qui font office de meubles,
ou le peu d’ustensiles de cuisine que possèdent les occupants sont accrochés
dessus.
MALLE EN BOIS
Une minorité d’habitant du village qui compte sur les cinq bouts de doigts de la main, possédait des malles en bois anciennes, qu'il entreposait à même le sol, souvent cadenassé. Ils leur servaient d’entrepôt d’objets qui leur sont si chers, comme : argent, armes à feu et blanche et les habilles qu’ils portaient lors des occasions exceptionnelles comme, journées fériées, funérailles, jour du marché, prière du vendredi et autres, Ces malles sont fabriquées à la main donc assez rudimentaire. Leur dimension approximativement est de (2m x 0,8 x1m). Quelques-unes sont même sculptées avec des motifs berbères. Certains propriétaires couchent à côté de ces trésors. Par ailleurs, pratiquement toutes les femmes importaient avec elles le jour du mariage une petite malle en bois, aussi fabriquée à la main d’environ (0,9 m x 0,45 x 0, 60 m), remplies de décoration. Elles servaient aussi à entreposer ou plutôt cacher leurs affaires.
KANOUN DE L’EPOQUE.
On pouvait aussi trouver dans la maison kabyle d’autres objets nécessaires à la subsistance tels que : le « kanoun fixe en terre cuite». Il s’agit d’un trou creusé à même le sol, d’un diamètre d’environ 30 cm et d’une profondeur de 25 cm, qu’on remplissait de braises. Sa fumée passait librement à travers la toiture. Il servait à maintenir le feu pour chauffer la maison (notamment en hiver), à préparer et à chauffer la nourriture légère, et il était le centre autour duquel le patriarche ou la matriarche racontaient des histoires interminables…Il existe aussi des kanoun mobiles appelé « achekouf » qui servent à déplacer les braises de la maison principale vers une chambre pour se chauffer avant de dormir.
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Kanoun en terre cuite, mobile |
Pratiquement toutes les familles possédaient un petit lit d’enfant. Même en l’absence d’un bébé à élever, on envisageait toujours d’en avoir un - ou plus -, un jour. Ces lits étaient réalisés par le père ou l’un des proches de la famille avec les matériaux disponibles localement. Ainsi on utilisait des rameaux d’olivier ou les pousses du grenadier. La méthode de réalisation utilisée consistait à arquer le rameau d’un diamètre d’environ 25 à 30 mm, en cercle d’un diamètre d’environ 80 cm. Les embouts étaient attachés entre eux avec du fil de fer métallique. Deux autres rameaux d’un diamètre légèrement inférieur au précédent étaient croisés et également maintenus avec du fil de fer en son milieu. Les rameaux, en forme de croix, étaient ensuite arqués en forme d’U, puis les embouts étaient reliés au grand cercle, toujours avec du fil de fer. La partie circulaire recevait une sorte de filet en lin cousu sur mesure sur lequel était entreposée une natte en « chaum » ou « idhlas ». Exceptionnellement, ce modèle de lit de bébés était réalisé en fer rond de construction ou autres matériaux de récupération. On pouvait même voir des lits d’enfant fabriqués à partir de roue de vélo. Comme l’on dit : « tout se récupère, et tout se consomme » ...
CUISINE TRADITIONNELLE
À côté de la maison, on retrouvait souvent
un petit local construit d’une manière basique, aux murs noirs de fumée. Sa
superficie était très réduite, et la hauteur du bâtiment inférieure à celle de
la maison. Ce local était couvert par des morceaux de tôles de récupération ou
de tuiles romaines, et faisait usage de cuisine extérieure. Un des côtés était
simplement muni d’une ouverture permettant d’évacuer la fumée. Le combustible
utilisé provenait essentiellement du bois d’arbres morts que les habitants
récupéraient dans leurs champs, ou encore provenait d’arbres improductifs des
forêts. Dans cet endroit, on préparait surtout les repas qui nécessitaient
beaucoup de temps de cuisson comme « tikourbabines, couscous,
avasine » etc.
MOULIN A GRAIN EN PIERRE DOMESTIQUE.
MOULIN A GRAIN EN PIERRE DOMESTIQUE.
LE MÉTIER A TISSER TRADITIONNEL
Dans certaines maisons, on pouvait trouver un métier à tisser rudimentaire, appelé « azatta ». Il était placé dans la salle commune, parallèlement aux murs et en face de la porte d’entrée, par souci de la lumière. Il servait à confectionner essentiellement des « burnous » pour les hommes et les enfants, des tapis, « ikhalalen » pour se couvrir ou « thikhalalines » pour femmes. Le tissage consistait à entrelacer les fils de chaîne et les fils de trame entre eux. Cette activité occupait une grande place dans le quotidien des femmes kabyles jeunes ou moins jeunes… La matière première utilisée pour le tissage provenait de la tonte des moutons, les toisons de laine étaient achetées par les chefs de famille. Le cycle du tissage était exécuté exclusivement par la main d'œuvre féminine, en commençant par le tri de la laine et l'enlèvement des impuretés, puis le battage avec un bâton, avant un lavage dans la rivière. Cette étape nécessitait beaucoup d’eau. Après le séchage, la laine subissait le cardage, en faisant des mouvements de va-et-vient avec un outil appelé « akhardach ». Puis la laine était peignée avec un peigne ou « imchate » conçu à cet effet afin de rendre les fibres bien rectilignes. L’opération suivante était le filage, réalisé par une fileuse. En tournant d’une main un fuseau en bois d’une forme tronconique (Izdi) (comme une toupie), avec l’autre main, elle obtenait une mèche (pelote de laine) grâce à une quenouille que la tisseuse faisait rouler entre le pouce et l’index. La préparation du métier à tisser était une opération fastidieuse demandant beaucoup de mains d’œuvres et un grand savoir-faire. C’était l’occasion de faire appel à la cohésion sociale et l’entraide communautaire. Parmi ces opérations nécessitant au moins trois femmes, il y avait l’ourdissage, un enroulement des fils de chaîne entre deux piquets en roseau ou en bois en faisant des allers et retours et le montage sur l’ensouple. Une fois la préparation terminée, la tisseuse passait le fil de trame entre les deux nappes de la main gauche, et de la main droite elle tirait la trame suivie d’un coup de peigne pour rendre le tissu plus dense - et ainsi de suite…
Ces activités ancestrales ne sont plus pratiquées de nos jours dans le village, ou même dans la région. Il y a environ une décennie, une femme du village, décédée de nos jours, venait d’Alger en hiver cueillir les olives le jour et tisser un objet de son choix le soir. Elle repartait une fois la mission qu’elle s’était assignée achevée. Que Dieu ait son âme ! Un jour cette bonne femme voulait enrouler la partie tissée, comme c’était lourd elle s’est mise devant sa porte d’entrée guetter quelqu’un pour lui donner un coup de main. Par hasard nous passions moi et mon épouse, après les saluts d’usage elle nous a demandé de l’aider dans sa démarche. Ce n’était pas un service que nous lui rendions, plutôt nous avions accompli cette tâche avec joie et plaisir. Pareillement, elle nous a expliqué le fonctionnement du métier à tisser et les rudiments du tissage que je connaissais bien avant, sans le lui dire.
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